Image de cinq statues sculptées dans une pierre volcanique sombre, chacune affichant une tête allongée avec une expression sévère et un torse sans caractéristiques.
Agrandir / Les moai de Rapa Nui.

Rapa Nui, souvent appelée Île de Pâques, est l’une des îles peuplées les plus isolées du monde. Elle est si éloignée que les Européens ne l’ont découverte que des siècles après avoir commencé à explorer le Pacifique. Lorsqu’ils arrivèrent, ils trouvèrent cependant une petite île soutenant une population de milliers d’habitants, qui avaient construit d’imposantes statues monumentales appelées moai. Les débats sur la manière dont cette population est arrivée là et ce qui est arrivé ensuite perdurent depuis.

Certains de ces débats, comme l’idée que les indigènes de l’île avaient voyagé depuis l’Amérique du Sud, ont été mis à jour. Les génomes des personnes nées sur l’île montrent que sa population originelle faisait partie de l’expansion polynésienne à travers le Pacifique. Toutefois, d’autres questions, comme le rôle de l’effondrement écologique limitant la population de l’île et modifiant sa culture, continuent d’être débattues.

Des chercheurs ont maintenant obtenu le séquençage du génome à partir des restes de 15 natifs de Rapa Nui précédant le contact européen. Ces résultats indiquent que la population de l’île semble avoir crû lentement et régulièrement, sans signe de goulet d’étranglement pouvant être associé à un effondrement écologique. Environ 10 % des génomes semblent avoir une origine amérindienne, probablement datée de la même époque que la colonisation de l’île.

Hors du musée

Les restes fournissant ces génomes n’ont pas été trouvés à Rapa Nui, du moins pas récemment. Ils sont plutôt conservés au Muséum National d’Histoire Naturelle en France, ayant été collectés à une époque incertaine. Leur présence là-bas suscite des controverses parmi les indigènes de Rapa Nui, mais les chercheurs impliqués dans ce projet ont collaboré étroitement avec les habitants de l’île. La description de leurs interactions pourrait servir de modèle pour ce type de recherche :

Tout au long de l’étude, nous avons rencontré des représentants de la communauté Rapanui sur l’île, la Comisión de Desarrollo Rapa Nui et la Comisión Asesora de Monumentos Nacionales, où nous avons présenté nos objectifs de recherche et nos résultats en cours. Les deux commissions ont voté en faveur de la poursuite de nos recherches… Nous avons présenté le projet de recherche lors de conférences publiques, à travers une courte vidéo et des interviews radio sur l’île, ce qui nous a permis de poser des questions sur les sujets les plus pertinents pour la communauté Rapanui. Ces discussions ont éclairé les thèmes de recherche que nous avons explorés dans ce travail.

Étant donné les dossiers peu fiables à diverses époques, l’un des objectifs de cette étude était simplement de déterminer si ces restes provenaient réellement de Rapa Nui. Cela a été confirmé sans équivoque. Toutes les comparaisons avec les génomes de populations modernes montrent que ces 15 génomes ont une origine polynésienne et sont les plus étroitement liés aux habitants actuels de Rapa Nui. « La confirmation de l’origine de ces individus par l’analyse génomique informera les efforts de rapatriement menés par le programme de rapatriement Rapa Nui (Ka Haka Hoki Mai Te Mana Tupuna), » suggèrent les auteurs.

Une deuxième question était de savoir si les restes dataient d’avant le contact européen. Les chercheurs ont essayé de réaliser une datation au carbone, mais ils ont obtenu des dates qui n’avaient pas de sens. Certains restes avaient des dates qui étaient potentiellement après leur collecte, selon les archives du musée. Et tous dataient du XIXe siècle, bien après le contact européen, lorsque les maladies introduites avaient réduit la population native et mélangé l’ADN avec celui de non-polynésiens. Pourtant, aucun des génomes n’affichait plus d’un pour cent de descendance européenne, une fraction suffisamment faible pour être attribuée à une anomalie statistique.

La date précise à laquelle ces individus ont vécu demeure incertaine. Mais les données génétiques indiquent clairement qu’ils sont nés avant l’arrivée des Européens. Ils peuvent donc nous informer sur ce que la population a vécu entre la colonisation de Rapa Nui et l’arrivée des puissances coloniales.

Retour d’Amérique

Bien que ces génomes ne montrent aucun signe de descendance européenne, ils ne sont pas totalement polynésiens. Environ 10 % du génome semble dériver d’une population amérindienne. C’est le pourcentage le plus élevé observé dans une population polynésienne, y compris certaines qui montrent des indices de contact amérindien datant d’avant l’arrivée des Européens.

En isolant ces séquences d’ADN et en les comparant à des populations du monde entier, il a été constaté que le groupe le plus étroitement lié à celui qui a contribué à la population de Rapa Nui réside actuellement dans la région centrale des Andes en Amérique du Sud. Cela contraste avec les résultats antérieurs, qui suggéraient que le contact avait eu lieu avec des populations situées plus au nord en Amérique du Sud.

À mon avis, ces résultats soulignent non seulement l’importance d’une collaboration étroite avec les communautés indigènes dans les études scientifiques, mais également la nécessité de réexaminer notre compréhension des migrations humaines complexes et des interactions culturelles dans le Pacifique. Cela nous pousse à revoir nos récits historiques et à apprécier la richesse des cultures qui ont persisté malgré les défis du temps et des changements écologiques. En tant que journaliste, je suis fasciné par la manière dont ces découvertes peuvent influencer tant les discussions académiques que les perceptions publiques de l’histoire de l’île. Je pense qu’il est essentiel de partager ces histoires afin d’honorer l’héritage des peuples qui ont vécu ici avant nous.

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