La junte militaire du Myanmar a adopté sa loi tant dénoncée sur la cybersécurité, visant à renforcer son contrôle sur les communications essentielles alors que la guerre civile dans le pays s’intensifie.

Selon le texte de la loi, publié en plusieurs parties dans les dernières éditions du Global New Light of Myanmar, l’objectif est de “mener des enquêtes efficaces et de prendre des mesures contre les cybercrimes” tout en “protégeant et sauvegardant la souveraineté et la stabilité de la nation contre les menaces cybernétiques, les cyberattaques ou l’utilisation abusive des technologies électroniques.”

Le gouvernement birman envisageait des législations sur la cybersécurité depuis un certain temps – un projet de cadre avait été diffusé pour avis en 2019 – mais l’adoption de cette loi est une réponse manifeste aux manifestations de masse et à l’insurrection armée contre le coup d’État militaire de février 2021. Les réseaux sociaux et les applications de messagerie – principalement Facebook, mais de plus en plus X et Telegram – ont été vitaux pour les groupes de résistance qui s’opposent à la junte. Contrôler ces canaux de communication est désormais une priorité pour la junte.

Il reste à déterminer si et comment la version de la loi entrée en vigueur le 1er janvier pourrait différer des brouillons précédemment proposés au cours des quatre dernières années. Cependant, selon une analyse d’un projet de version de la loi publiée par Access Now en janvier 2022, la loi sur la cybersécurité “confère des pouvoirs excessifs à la junte pour censurer l’expression en ligne et compromettre la protection des données, sans perspective de supervision indépendante ou de recours efficace.” L’adoption de cette loi pourrait “éteindre pratiquement toute possibilité de dissentiment et d’expression contre un régime de plus en plus violent.”

Parmi les divers outils répressifs confirmés dans la version finale de la loi sur la cybersécurité, la disposition la plus notable pourrait être celle pénalisant l’offre non autorisée de réseaux privés virtuels (VPN) au Myanmar. Les VPN sont devenus une technologie essentielle dans le Myanmar post-coup : face à un paysage médiatique presque entièrement contrôlé par l’État et avec de nombreux journalistes en prison, sous terre ou en exil, ils sont largement utilisés pour contourner les restrictions internet et pour accéder à l’information ainsi que pour transmettre des données hors du pays.

Bien que la junte ait commencé à bloquer l’accès aux VPN, la loi prévoit une peine de six mois d’emprisonnement et une amende pour “installation ou service de VPN non autorisé.” Un ancien projet de loi mentionnait également des peines de prison allant jusqu’à trois ans pour les utilisateurs de VPN, mais cela n’a pas été évoqué dans les rapports des médias d’État concernant la loi sur la cybersécurité, et il est incertain si cette disposition figure dans la version finale de la législation.

En plus des dispositions interdisant les jeux d’argent en ligne et diverses formes de cybercriminalité, la loi impose également des peines de prison allant jusqu’à six mois ainsi que des amendes pour la distribution, le transfert, la copie ou la vente d’informations via des moyens numériques jugées “inappropriées pour le public.” Elle stipule également que toute personne reconnue coupable d’une mauvaise utilisation des programmes informatiques peut être emprisonnée jusqu’à deux ans. Fait intéressant, la loi précise que “les citoyens birmans résidant à l’étranger seront passibles de sanctions en vertu de cette loi s’ils commettent une infraction,” ce qui étend efficacement ses dispositions à la vaste diaspora des opposants en exil, y compris une grande partie des médias indépendants du pays.

Étant donné que le texte complet de la loi sur la cybersécurité n’est pas encore disponible, il est difficile de savoir si ces dispositions figurent dans la version actuellement en vigueur. (Bien que le texte de la loi soit publié en plusieurs parties dans le Global New Light of Myanmar, les sections pertinentes ne sont pas encore apparues.)

Quoi qu’il en soit, même si des modifications ont été apportées aux projets précédents, l’adoption de la loi sur la cybersécurité marque une nouvelle étape vers un retour à une atmosphère étouffante, semblable à celle des époques passées de régime militaire, exacerbée par l’urgence de la situation de guerre.

Bon à savoir

  • Le Myanmar a connu une intensification de la répression des libertés civiles depuis le coup d’État militaire de février 2021.
  • Les outils numériques comme les VPN sont cruciaux pour la circulation de l’information dans un contexte de restrictions d’accès à Internet.
  • La loi sur la cybersécurité pourrait également impacter les citoyens birmans vivant à l’étranger, augmentant ainsi les risques juridiques pour la diaspora.

Cette nouvelle législation nous interpelle sur la question de la liberté d’expression dans les sociétés sous pression. Avec la montée des technologies de surveillance et le contrôle accru d’Internet, il est essentiel de réfléchir aux implications pour les droits fondamentaux des citoyens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières. Comment un équilibre peut-il être trouvé entre sécurité et libertés individuelles dans un contexte géopolitique aussi tendu ?




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