Cette critique est basée sur une projection au Festival du Film de Sundance 2025.

Le cinéma ayant pour thème les personnes aspirées dans des jeux vidéo existe presque depuis l’apparition des jeux eux-mêmes, mais aucun n’a su capter ce charme brut et enchanteur comme le fait OBEX. Contrairement à des œuvres telles que Tron ou Jumanji : Bienvenue dans la jungle, qui n’explorent pas vraiment l’univers du jeu vidéo, la vision audacieuse du scénariste-réalisateur-acteur Albert Birney réussit là où d’autres échouent. OBEX débute comme un film moins spectaculaire, évoquant plutôt le captivant Relaxer de Joel Potrykus. L’histoire s’oriente d’abord autour d’un isolé, Conor, avant de s’ouvrir sur un monde de jeu vidéo fantasque, aussi hilarant que subtilement fascinant. Filmé en noir et blanc par le directeur de la photographie et co-scénariste Pete Ohs, ce film offre une approche singulière et intime de ce qui nous attire vers les jeux vidéo.

Tout commence de manière humble et à la fois troublante et humoristique. Nous sommes en 1987, et Conor (Birney) passe la plupart de ses journées en solitaire, entouré de son adorable chien, Sandy. L’avènement de l’internet commercial est encore à venir, mais l’univers de Conor est déjà dominé par les écrans : il se réveille chaque matin pour regarder ses téléviseurs (oui, au pluriel – trois empilés les uns sur les autres), ce qui engendre des interactions à la fois inattendues et drôles entre les appareils lorsqu’il change de chaîne. Il échange brièvement avec le voisin qui lui ramène ses courses, regarde des films d’horreur télévisés comme A Nightmare on Elm Street en compagnie de Sandy, et réalise des portraits en tapant méticuleusement une série de symboles sur un traitement de texte rudimentaire. La conception sonore immersive nous plonge au cœur des sons des grillons et des claviers qui rythment la petite vie de Conor, jusqu’à ce qu’il reçoive un nouveau jeu vidéo : OBEX. Ce moment s’avère décisif.

La majeure partie des 90 minutes d’OBEX montre Conor s’adonner à des rituels répétitifs, le transportant lentement dans un royaume en 8 bits. La première partie du film peut sembler longue, mais elle renforce l’impact de la seconde moitié. Pourtant, Birney ne fait pas de pause inutile ; ces prémices aident à établir que son personnage est en quête de quelque chose. En intégrant de simples mais révélatrices séquences de rêve où Conor conduit sur une route désertique avec sa mère, un sentiment de tristesse se mêle à l’insouciance apparente de l’ensemble. Il est donc naturel qu’il s’investisse dans OBEX après la disparition apparente de Sandy, son seul véritable ami.

Tout comme dans l’inventif Strawberry Mansion, Birney n’explique pas tout, laissant les détails plus fluides et surréalistes s’insinuer subtilement. Une fois dans OBEX, Conor croise plusieurs éléments emblématiques des jeux vidéo vintage : un personnage bienveillant dans une taverne qui aide dans sa quête, un compagnon qu’il doit sauver pour avancer, et des adversaires dont les formes fantastiques s’accorderaient parfaitement avec le royaume d’Hyrule. Ces personnages sont aussi des reflets de la vie quotidienne de notre héros : le compagnon est un homme avec une télévision géante pour tête, ce qui véhicule une tonalité sombre. Si la seule personne avec qui Conor interagit n’est qu’une incarnation de ses propres télévisions, élabore-t-il réellement des liens ? Le jeu n’est-il qu’une traduction de ses rêves et de ses angoisses ?

OBEX est un véritable bijou du cinéma de jeux vidéo à faible technologie.

OBEX soulève toutes ces questions sans fournir de réponses simplistes, s’articulant autour des plaisirs sensoriels et des merveilles à la fois simples et élégantes de son univers vidéoludique. Cela passe par un boss final toujours à l’affût dans l’ombre et une séquence cauchemardesque où le jeu (et le monde de Conor) commence à se fissurer, frôlant le territoire de l’horreur. Les détails inexpliqués ne pénalisent pas le film, puisqu’ils sont portés par l’affection palpable de Birney pour le sujet et par les nuances émotionnelles souvent poétiques permises par cette sincérité. Une aventure d’un homme luttant contre des squelettes et des démons à la recherche de son chien, oui, mais c’est aussi une quête pour retrouver son chemin. Ce qui l’attend là-bas, qu’il s’agisse de plus de solitude ou d’une occasion de briser sa routine, confère à OBEX une véritable profondeur émotionnelle. Chaque étape de ce voyage est une découverte, nous plongeant davantage dans l’univers joyeux de Birney et de son équipe. Ce film n’est pas simplement l’un des plus divertissants consacrés aux jeux vidéo ; il illustre également le potentiel du médium à refléter les réalités compliquées de notre monde tout en nous en éloignant.

Bon à savoir

  • Le film se déroule dans un univers des années 1980, ce qui rappelle des éléments culturels nostalgiques.
  • La photographie en noir et blanc enrichit l’esthétique visuelle et l’atmosphère du film.
  • OBEX aborde des thèmes de solitude et de quête personnelle, des éléments que l’on retrouve fréquemment dans les œuvres de Birney.




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