Les jeux vidéo gratuits sur téléphone cachent une multitude de mécanismes instaurés par leurs concepteurs pour maximiser leurs profits, souvent au détriment du développement des enfants qui y jouent.

« Même avant de tenir une console entre les mains, les enfants ont souvent accès au téléphone de leur père, de leur mère ou même à la tablette familiale », explique Simon Delorme, neuropsychologue et chercheur postdoctoral en communications à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Il existe un nombre considérable de jeux disponibles, dont la vérification est très limitée. »

Delorme a contribué à la rédaction du livre « Les jeux vidéo pour enfants : bien les comprendre pour mieux les choisir », dont le contenu est basé sur des recherches menées par Maude Bonenfant, Alexandra Dumont et Cédric Duchaineau. Ils ont analysé plus de 200 jeux gratuits pour mobile destinés aux jeunes afin d’en décortiquer l’anatomie.

Selon Delorme, on y trouve une « multitude de mécanismes d’exploitation ». Parmi eux, la « triade de la monétisation », qui comprend la possibilité de réaliser des microtransactions, de diffuser de la publicité et de vendre des données utilisateur.

« Dans ces jeux, certaines mécaniques passent inaperçues. (…) On en parle peu, alors qu’elles peuvent avoir un impact significatif sur le développement des enfants », ajoute Delorme.

Ces mécanismes incitent les joueurs à rester connectés le plus longtemps possible et à dépenser tout au long du jeu, ce qui assure sa monétisation.

« Ces jeux mobiles poussent les enfants à jouer au détriment du plaisir. Il ne faut donc pas les considérer comme de simples systèmes de divertissement, mais comme des systèmes d’adhésion », souligne Delorme. « Si le jeu est gratuit, cela signifie qu’ils génèrent des profits d’une autre manière, d’où leur intérêt à maximiser la durée d’engagement. »

Au-delà de la rétention des joueurs, ces mécaniques sont reconnues pour leur pouvoir addictif, dont les enfants ne peuvent se soustraire.

Normalisation du profit monétaire

À la monétisation des jeux mobiles s’ajoute leur « casinification » ou « gamblification », caractérisée par une utilisation exacerbée des imageries de jeux d’argent, comme les machines à sous, les cartes à gratter ou même des personnages enfantins tournant une roue de la fortune.

« Nous sommes en train de normaliser l’utilisation de l’imagerie des casinos et des paris monétaires dans les jeux mobiles », explique Delorme. « Des études montrent qu’une exposition précoce à des gains monétaires significatifs dans des jeux de hasard prédit un risque compulsif de jouer à des jeux vidéo plus tard. »

Delorme regrette que l’on accorde trop d’importance au contenu des jeux vidéo, qui ne représente « que la moitié d’un dispositif de jeu ».

« Il existe des mécanismes dans les jeux qui passent vraiment inaperçus », indique-t-il. « Nous avons des parents qui sont fiers de dire que leur enfant ne joue qu’à FIFA, alors que c’est un jeu extrêmement exploitatif avec une gamification excessive. »

De plus, les systèmes de classification par âge des jeux mobiles sont jugés « incohérents d’une plateforme à l’autre ».

Comment choisir un bon jeu ?

Pour Delorme, il est crucial de remettre en question la manière dont le jeu est joué, et pas seulement son contenu.

Il recommande de se tourner vers des jeux payants pour limiter autant que possible les mécanismes de monétisation et préconise de privilégier les jeux indépendants.

« Il est important de soutenir les petits développeurs et nos studios québécois qui produisent d’excellents jeux », ajoute Delorme.

Il encourage également les parents à s’appuyer sur les résultats des British Academy Film Awards (BAFA), qui récompensent chaque année les meilleurs jeux vidéo. De plus, il préconise que les parents s’assoient avec leurs enfants pour observer leur utilisation du téléphone et identifier d’éventuels mécanismes nuisibles.

Bon à savoir

  • La recherche sur les effets des jeux mobiles sur le développement des enfants est en pleine expansion.
  • Il existe des ressources pour aider les parents à mieux comprendre les jeux de leur enfant, comme des guides de sélection de jeux.
  • Les jeux indépendants sont souvent moins axés sur la monétisation que les titres plus populaires.



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