Michael Rau, professeur assistant de mise en scène et de création au sein du programme de Théâtre et Études de la Performance (TAPS) de l’École des Sciences Humaines et Sociales de Stanford, s’attaque à la réinvention du théâtre à l’ère numérique. Sa recherche vise à faire écho aux complexités de la vie moderne à travers le théâtre. Grâce à une subvention initiale de l’Institut pour l’Intelligence Artificielle centrée sur l’Homme de Stanford (HAI), il explore de nouvelles voies d’intégration de l’intelligence artificielle dans les performances en direct.
Les travaux de Rau se déclinent en trois approches :
- Génération d’images : Un générateur d’images alimenté par l’IA reçoit un flux vidéo d’une performance en direct et tente d’interpréter une consigne afin de modifier l’image des acteurs. Le flux d’images adapté par l’IA est projeté sur scène en même temps que la production humaine, créant ainsi une séquence d’images qui peut évoquer un rêve, une narration alternative ou une autre dimension.
- Scripts en direct basés sur des modèles de langage : Les suggestions du public alimentent un modèle de langage qui génère un script correspondant. Des algorithmes de synthèse vocale transforment les lignes du script en voix, et chaque rôle est transmis à un acteur via un écouteur, leur permettant de s’exprimer sans tenir un script ou lire des répliques sur un écran. Cela leur offre la possibilité de réagir spontanément aux éléments livrés par leurs écouteurs.
- Analyse des poses : Cet outil analytique utilise un algorithme d’IA pour créer une image 3D des positions corporelles des acteurs pour chaque image d’une performance enregistrée. Développé en collaboration avec Peter Broadwell, Simon Wiles et Vijoy Abraham, il peut aider les chercheurs, notamment en analyse du mouvement des acteurs au cinéma ou des gestes employés par un politicien lors d’un discours.
Dans cet entretien, Rau évoque la manière dont ses projets novateurs stimulent les réflexions sur l’élargissement des frontières de la narration tout en préservant l’humanité du théâtre.
Qu’est-ce qui vous a conduit à vous intéresser à la rencontre entre théâtre et IA ?
Je suis convaincu que le bon théâtre reflète les vies que nous menons aujourd’hui. Nos expériences actuelles sont fortement médiatisées par la technologie, mais cette réalité est rarement représentée sur scène, car voir quelqu’un utiliser la technologie n’est pas fascinant. Je voulais créer des pièces de manière différente, explorer comment la technologie peut être représentée efficacement sur scène. J’ai commencé en 2014 à intégrer la technologie dans mes performances. En 2019, mon intérêt pour les algorithmes d’apprentissage automatique s’est accru.
Comment l’IA peut-elle enrichir le théâtre ?
Je cherche l’intersection où l’humain crée l’Art et où l’IA l’enrichit ou apporte un aspect nouveau à la performance. Les technologies avec lesquelles je travaille nous permettent d’ajouter une couche narrative sur la chorégraphie visible par le public, de générer des scripts spontanés pour des performances imprévues et très engageantes, et d’aider les chercheurs à évaluer les mouvements et les poses avec des outils différents. Dans tous les cas, l’humain reste au cœur de l’œuvre.
Des inquiétudes se font jour concernant l’utilisation de l’IA dans les arts, souvent perçue comme superficielle et sans intention. Ces technologies sont-elles de réelles œuvres d’art ou de simples gimmicks ?
Cette question me préoccupe constamment. La définition de l’art a toujours été subjective. Ce champ artistique existe depuis des siècles, et il est difficile de déterminer ce qui est ou n’est pas un gimmick. J’applique l’IA de manière spécifique pour préserver les parties intéressantes et expressives de la performance théâtrale humaine. Pour me rassurer sur l’art généré par IA, j’intègre systématiquement un « élément humain ».
Quels sont les avantages de l’IA dans le théâtre ?
Honnêtement, nous ne connaissons pas encore tous les bénéfices. Mais étant donné la mission de recherche de Stanford, il est préférable d’explorer ces technologies, car quelque chose d’inattendu et d’excitant pourrait émerger. Ignorer cette technologie pourrait figer cette forme d’art de manière peu bénéfique. J’espère que l’IA nous offrira davantage d’options créatives intéressantes en permettant de travailler différemment et d’apporter une couche de spécificité et un soutien quantitatif aux travaux savants en cours.
Quelles pourraient en être les limites ?
Tout d’abord, il existe des préoccupations majeures concernant la propriété intellectuelle et les droits d’auteur intégrés aux modèles, qui doivent être résolues équitablement. Ensuite, je crains l’effet homogénéisant de l’IA dans les domaines créatifs, notamment en matière de curation de contenus. Enfin, je m’inquiète d’une perte de créativité « centrée sur l’humain ». Créer de l’art est une expérience exaltante, et si nous confions trop de responsabilité à des systèmes d’apprentissage automatique, les artistes en pâtiront. Dans mon travail, j’essaie d’assurer que la création artistique humaine reste au centre.
Le changement apporté par l’IA modifie-t-il la nature du théâtre ou la relation entre auteurs, acteurs et metteurs en scène ?
La technologie a toujours influencé le théâtre. Par exemple, nous sommes passés de la lumière des bougies à celle des lampes à gaz, puis aux projecteurs électriques. Chacune de ces évolutions a modifié le maquillage, les costumes, les décors et la mise en scène, suscitant des craintes de destruction du théâtre. Nous en sommes maintenant à explorer de nouvelles technologies et à comprendre comment elles peuvent améliorer le théâtre.
J’apprécie dans cet art que l’on puisse conserver des styles ou méthodes particuliers tout en essayant aussi de nouvelles façons de créer des performances.
Quel est le projet d’IA qui vous enthousiasme le plus ?
Je développe un projet avec le dramaturge Michael Yates Crowley, intitulé de manière provisoire Hamlet.AI. L’intrigue tourne autour d’un auteur et d’un metteur en scène dont le désaccord sur l’utilisation de l’IA sur scène se transforme en débat sur l’avenir de l’art. Ce projet intégrera les systèmes de génération d’images et de textes sur lesquels je travaille actuellement, ainsi que d’autres technologies d’apprentissage automatique que nous sommes encore en train de développer. Ce sera un excellent mélange de technologie et de mes réflexions complexes sur l’IA générative dans les arts.
Points à retenir
- Michael Rau explore l’intégration de l’IA dans le théâtre pour enrichir les performances tout en préservant l’humain.
- Trois approches clés incluent la génération d’images, la création de scripts en direct et l’analyse des poses.
- Les projets de Rau cherchent à stimuler la discussion sur le futur du storytelling à l’ère numérique.
- Des questions d’éthique liées à la propriété intellectuelle et au potentiel homogénéisant de l’IA dans le théâtre sont soulevées.
- Rau évoque l’importance de conserver l’être humain au centre des créations artistiques.
Le dialogue en cours sur l’introduction de l’IA dans des disciplines traditionnellement humaines, comme le théâtre, pousse à se demander comment ces nouvelles technologies peuvent coexister avec les pratiques anciennes. Loin d’être une menace, l’IA pourrait s’avérer être un puissant catalyseur de créativité, tant qu’on veille à ce qu’elle serve l’art plutôt que de le remplacer.
- Source image(s) : hai.stanford.edu
- Source : https://hai.stanford.edu/news/ai-brings-new-potential-art-theater
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