Les récits d’amélioration personnelle sont des fils conducteurs récurrents dans la fiction, présents dans divers genres tels que l’action, la romance ou la science-fiction. En 2024, plusieurs films marquants ont mis en lumière cette thématique, en mettant l’accent sur le fait que la passivité peut freiner l’épanouissement personnel. Les moments clés d’action dans ces œuvres ne sont pas forcément issus de conflits externes, mais émergent d’une décision intérieure, alors que les protagonistes s’engagent à revendiquer leur véritable identité, ou à en prendre le risque. Ce fil conducteur crée un sentiment d’urgence pour les spectateurs, les incitant à agir dans leur propre vie pour façonner le monde dans lequel ils souhaitent évoluer.
Un exemple poignant de ce phénomène réside dans l’œuvre magistrale de Jane Schoenbrun, I Saw the TV Glow. Le film suit Owen, un adolescent (Justice Smith), et son amie Maddy (Brigette Lundy-Paine), qui deviennent obsédés par une série télévisée de fantasy sombre semblable à Buffy contre les vampires. Cette obsession les pousse à questionner leurs identités et la réalité qui les entoure. Maddy s’imagine qu’ils sont les personnages de l’émission, piégés dans une réalité fausse par le méchant de l’histoire, Mr. Melancholy. Contrairement à elle, Owen rejette cette vision et choisit de revenir à une vie qui lui semble désespérante, se laissant peu à peu absorber par l’ennui de sa situation.
Photo: Spencer Pazer/A24
Les interprétations de la fin varient — pour certains, elle est pleine d’espoir — mais, quel que soit votre ressenti, TV Glow s’inscrit au sein d’une série de films de 2024 mettant en avant des narrations qui résonnent avec les thèmes de l’autodécouverte. Schoenbrun réussit à marier la désillusion d’une existence inauthentique avec la peur paralysante de ce que l’on pourrait découvrir en plongeant au plus profond de soi, une réalité à laquelle beaucoup peuvent s’identifier, indépendamment de leur rapport au genre.
La même problématique a été explorée par le cinéma cisgenre de 2024. Un des films les plus proches de TV Glow est A Different Man d’Aaron Schimberg, qui traite également de la perception de soi et de la peur d’être considéré comme différent. Edward (Sebastian Stan), un acteur en difficulté souffrant d’une déformation faciale, se lie d’amitié avec sa voisine Ingrid (Renate Reinsve), une dramaturge.
Pour tenter de relancer sa carrière stagnante ainsi que sa vie personnelle, Edward subit un traitement expérimental qui modifie de façon spectaculaire son visage pour le rendre plus conforme aux normes culturelles dominantes. Cela l’amène à changer de métier, réussissant en tant qu’agent immobilier à New York. Cependant, lorsqu’il apprend qu’Ingrid a écrit une pièce sur sa vie, il devient obsédé par le désir de jouer le rôle principal, bien qu’il ne soit plus affecté par la condition sur laquelle repose la pièce.
Image: A24
Un nouveau personnage entre alors en scène : Oswald (Adam Pearson), qui présente la même condition qu’Edward. Un personnage charismatique, Oswald attire immédiatement l’attention des gens autour de lui, y compris celle d’Ingrid, éloignant ainsi Edward du rôle principal de la pièce. A Different Man expose la vérité selon laquelle la condition d’Edward n’est pas le principal obstacle à son succès — c’est plutôt sa personnalité.
Le film ne cherche pas à faire croire que la discrimination envers les personnes ayant des déformations faciales n’existe pas — Oswald en fait également l’expérience — mais leurs manières d’aborder le monde révèlent une grande différence. Contrairement à Edward, qui est plongé dans la mélancolie, Oswald brille par son énergie et son authenticité, attirant les gens vers lui.
À l’inverse, Edward ne change réellement pas dans A Different Man. Il ne prend que l’apparence d’un changement, tandis que la présence d’Oswald souligne que sa passivité le ronge de l’intérieur. Cette incapacité d’Edward à se remettre en question est révélatrice de la décision finale d’Owen de le faire dans TV Glow, quel qu’en soit le coût.
Image: Netflix