Computer_macintosh_128k_1984_Apple.

Qui ne connait pas le « Mac » d’Apple ? Abréviation de Macintosh, cet ordinateur me fascinait déja … il y a maintenant 40 ans (et j’en ai 45, faites le calcul…)

ANALYSE. Lors de sa présentation par Steve Jobs le 24 janvier 1984, le Macintosh d’Apple ne se démarquait pas par des avancées technologiques exceptionnelles. En revanche, il plaçait l’expérience utilisateur au cœur de ses priorités, marquant ainsi un tournant majeur.

Le Mac / Macintosh_128K / Source : Wikipedia https://en.wikipedia.org/wiki/Macintosh_128K

L’innovation technologique ne se limite pas à résoudre des problèmes techniques complexes. En célébrant ses 40 ans, le Macintosh a laissé une empreinte indélébile en faisant de l' »expérience utilisateur » le pivot de son produit phare dès 1984. Cette vision a depuis été cruciale pour le succès de l’ensemble des produits d’Apple. Concevoir des objets en mettant l’accent sur la facilité d’utilisation, l’efficacité, l’accessibilité, l’élégance et le plaisir d’utilisation a été un choix stratégique récompensé. Avec une capitalisation boursière avoisinant les 3 000 milliards de dollars, équivalent au PIB de la France, et une notoriété associée au design, Apple a su transformer la technologie en une véritable tendance grâce à l’expérience utilisateur.

L’histoire commence avec le Macintosh. La publicité diffusée lors du Super Bowl XVIII le 22 janvier 1984, réalisée par Ridley Scott, donnait plus l’impression de promouvoir un film à l’ambiance orwellienne qu’un simple ordinateur personnel. Steve Jobs comprenait qu’il ne vendait pas uniquement des composants techniques, mais plutôt un produit destiné à être intégré à la vie quotidienne des utilisateurs. Il ne s’agissait plus simplement d’informatique, domaine où IBM, Commodore et Tandy excellaient. En tant qu’expert en interaction personne-machine, je considère que le premier Macintosh a permis aux utilisateurs de s’approprier une nouvelle extension d’eux-mêmes, non plus en tant qu’amateurs d’informatique, mais en tant que personnes ordinaires. Tous les aspects techniques étaient soigneusement dissimulés dans une boîte intégrée élégante. L’utilisateur lambda n’avait pas à s’inquiéter du contenu de cette boîte, se concentrant plutôt sur les sensations que lui procurait cette expérience.

Equipe Apple pour le Mac
Sur cette photo d’archive du 24 avril 1984, Steve Jobs, à gauche, président d’Apple Computers, John Sculley, au centre, président-directeur général, et Steve Wozniak, cofondateur d’Apple, dévoilent le nouvel ordinateur Apple IIc à San Francisco. (Source AP Photo/Sal Veder)

Quelle innovation ?

Alors que les ordinateurs disposaient généralement de séquences d’entrée complexes sous forme de commandes à saisir (Unix, MS-DOS) ou de souris à boutons multiples (Xerox STAR, Commodore 64), le Macintosh utilise une métaphore de bureau dans laquelle l’écran de l’ordinateur est une représentation de la surface physique d’un bureau. Les utilisateurs pouvaient cliquer directement sur les fichiers et les dossiers du bureau pour les ouvrir. Il disposait également d’une souris à un seul bouton qui permettait aux utilisateurs de cliquer, de double-cliquer et de glisser-déposer des icônes sans avoir à taper de commandes.

Néanmoins, si le Macintosh était innovant dans le paysage des ordinateurs, ce n’était pas pour une avancée informatique particulière. Il n’a en fait pas été le premier ordinateur à disposer d’une interface utilisateur graphique ou à utiliser la métaphore du « bureau » : icônes, fichiers, dossiers, fenêtres… C’est le Xerox Alto qui avait présenté pour la première fois le concept d’icônes, inventé par David Canfield Smith en 1975 dans sa thèse doctorale. Le Xerox Star de 1981 et l’Apple Lisa de 1983 ont utilisé des métaphores de bureau. Mais ces systèmes étaient lents à utiliser et encore encombrants dans de nombreux aspects de leur conception de l’interaction.

Un concurrent de l’époque : Le Xerox Star 8010 / Source : Wikimedia

Le Macintosh n’était pas le premier ordinateur personnel destiné à une utilisation domestique, bureautique ou éducative. Il n’a pas été le premier ordinateur à utiliser une souris. Ce n’était même pas le premier ordinateur d’Apple à avoir l’une de ces caractéristiques. L’Apple Lisa, sorti un an plus tôt, les possédait tous.

L’Apple Lisa – Source : Wikipedia

Le Macintosh n’a pas été le premier à faire une chose technique en particulier. Mais le Macintosh a rassemblé de nombreuses avancées qui visaient à donner aux gens un accessoire. Il n’était pas destiné aux geeks ou aux techno-hobbyistes, mais aux mères et pères de famille, aux élèves de quatrième qui l’utilisaient pour rédiger des documents, éditer des feuilles de calcul, faire des dessins et jouer à des jeux. Le Macintosh a révolutionné l’industrie de l’informatique personnelle et tout ce qui allait suivre, car il mettait l’accent sur une expérience utilisateur satisfaisante et simplifiée.

Le Macintosh a simplifié les techniques d’interaction nécessaires à l’utilisation d’un ordinateur tout en proposant des vitesses de fonctionnement raisonnables. Les commandes complexes du clavier et les touches dédiées ont été remplacées par des opérations de pointer-cliquer, des menus déroulants, des fenêtres et des icônes pouvant être déplacées, ainsi que des fonctions d’annulation, de coupe, de copie et de collage à l’échelle du système. Contrairement au Lisa, le Macintosh ne pouvait exécuter qu’un seul programme à la fois, mais cela simplifiait l’expérience de l’utilisateur.

Le Macintosh a également fourni une boîte à outils d’interface utilisateur à destination des développeurs d’applications. Cela a permis aux programmes d’avoir une apparence et une sensation standard en utilisant des widgets d’interface communs, boutons, menus, polices, boîtes de dialogue, fenêtres… Avec le Macintosh, la courbe d’apprentissage des utilisateurs s’est aplatie, ce qui leur a permis de devenir rapidement compétents. L’informatique, comme les vêtements, était désormais à la portée de tous.

À l’origine d’une obsession

Bien que j’hésite à utiliser les termes « naturel » ou « intuitif » lorsqu’il s’agit de mondes fabriqués sur un écran – personne ne naît en sachant ce qu’est une fenêtre de bureau, un menu déroulant ou un double-clic – le Macintosh a été le premier ordinateur personnel à faire de l’expérience de l’utilisateur le moteur de l’accomplissement technique. Il était en effet simple à utiliser, surtout par rapport aux ordinateurs à ligne de commande de l’époque.

Alors que les systèmes précédents privilégiaient les capacités techniques, le Macintosh était destiné aux utilisateurs non spécialisés – au travail, à l’école ou à la maison – pour qu’ils fassent l’expérience d’une sorte de convivialité prête à l’emploi qui est aujourd’hui la marque de fabrique non seulement de la plupart des produits Apple, mais aussi de toute une industrie d’électronique grand public, d’appareils intelligents et d’ordinateurs de toutes sortes.

Selon le cabinet d’études Market Growth Reports, les entreprises spécialisées dans la fourniture d’outils et de services d’expérience utilisateur valaient 548,91 millions de dollars en 2023 et devraient atteindre 1,36 milliard de dollars d’ici 2029. Les entreprises spécialisées du secteur fournissent des logiciels permettant de mener des tests de convivialité, connaître les utilisateurs, ou de développer les initiatives émanant du client.

Aujourd’hui, il est rare que les produits de consommation réussissent sur le marché sur la base de leur seule fonctionnalité. Les consommateurs attendent une bonne expérience utilisateur et sont prêts à payer le prix fort pour cela. Le Macintosh est à l’origine de cette obsession et a démontré sa centralité.

Pour finir, je trouve ironique de constater que la technologie Macintosh qui fête ses 40 ans en janvier 2024 n’a jamais vraiment été une question « Tech ». Il a toujours été question en réalité de personnes. Cela devrai être une source d’inspiration pour ceux qui cherchent à réaliser la prochaine percée technologique. L’humanisation des processus de conception est une clé de la réussite. C’est aussi un avertissement pour ceux qui considèrent que l’expérience de l’utilisateur n’est qu’une préoccupation secondaire dans l’innovation technologique.

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